La paix comme du pain

08-10---pains.jpgNous allons chercher notre pain à la ferme de Guenvez, à Plonéour-Lanvern, dans ce département de la fin de la terre, où une petite communauté a décidé de vivre à l’heure biologique.

En moins d’une heure et demie, 80 kg de pain sont vendus, des pains ronds, ovales ou oblongs, à la farine de froment, aux céréales ou au son. On les prend dans nos mains, ils sentent bon, ils pèsent leur pesant de levain et d’effort. Les plus gros pains sont ronds comme l’univers, ils font quatre ou six kilos, ils sont réservés à l’avance par telle famille pour un baptême, telle autre pour un mariage, tel groupe d’amis pour la joie simple d’être ensemble et de partager le même pain.

Robert, le boulanger, est au four et au silo, l’un et l’autre construit de ses mains, et se faisant face sous le hangar. Il s’active, il couve son dernier pain qui reste au four, un pain liturgique sur lequel quelques hiéroglyphes grecs semble-t-il sont gravés avec un ancien tampon en bois. Le boulanger se démène, le repos du septième jour est encore loin. Il espère que la moissonneuse arrivera demain pour battre le blé avant la pluie, il explique qu’il a mis plus de six mois pour construire le four à pain, soixante tonnes de pierres, disposées une à une pour qu’elles trouvent chacune leur juste place. Je le contemple, une fine sueur coule sur son visage parcheminé par la farine, il arbore un sourire heureux, sa paix intérieure et son énergie sont contagieuses. Il se retient de former un jeune pour l’aider dans son travail de boulange : « Il faut encore deux ans avant que je ne forme quelqu’un, dit-il, j’attends de mieux connaître le four. On ne peut enseigner que ce qu’on maîtrise parfaitement. »


Il me revient en mémoire ces paroles de Jean Vanier, 08-10---fete-du-pain.jpgqui compare la paix à du pain. La paix, disait-il, n’est pas quelque chose d’instantané, elle se travaille comme le pain. Il faut savoir défricher, labourer, ensemencer, veiller, guetter avec une patience têtue l’alternance des pluies et du soleil, battre le blé, le laisser sécher comme le fait Robert dans un séchoir au-dessus de son four, le passer au tamis, séparer la farine du son, pétrir dans un grand effort, préchauffer le four avec des chutes de bois d’un mètre, rabattre les braises à l’entrée du four pour que les flammes en lèchent le fond, retirer les braises et disposer un à un chaque pâton, des plus gros au fond aux plus petits, que l’on sortira en premier.

Nous achetons trois pains, un pour nous, un autre pour les parents de Stéphane, le troisième pour Jos, le recteur d’une commune voisine.

Le dimanche matin, nous frappons à la porte du presbytère, avec un pain rond dans nos mains, incisé d’une croix qui a grossi avec la cuisson. Ce prêtre ami nous accueille avec un bon sourire : « C’est le Pain de vie ! » « Le pain de vie ? » « Mais oui, aujourd’hui, c’est la fête du Pain de vie, vous n’aviez-vous pas lu l’Évangile ? »

Nous avions fait la grasse matinée et n’avions pas lu l’Évangile, mais l’Esprit qui bruisse dans les feuillages, qui courbe les épis sous les nuages et qui fait son œuvre dans le cœur des hommes, cet Esprit-là ne connaît pas de repos.


« L’Esprit qui bruisse dans les feuillages, qui courbe les épis sous les nuages et qui fait son œuvre dans le cœur des hommes, cet Esprit-là ne connaît pas de repos. »


Marine d’Avel, écrivain

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