"Questions de sens" par Daniel Vigne

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Jeudi 18 avril, cet enseignant philosophe et théologien nous présente son dernier ouvrage "Questions de sens", d'une manière très accessible, concrète et chaleureuse.

 

Si deux acceptions du mot "sens" (direction et signification) sont largement prises en compte dans ces domaines, en revanche il en est une troisième sur laquelle on s'attarde peu souvent, à savoir le ressenti, la sensation.

Aujourd'hui, ces trois notions sont dissociées dans l'être humain, ce qui fait qu'il y a perte d'unité dans l'individu qui est ainsi en quelque sorte "mis en morceaux". La sensibilité ( audio / visuelle / tactile…)est hyper sollicitée; on a tout vu, trop vu sans doute. Les techniques de publicité parlent à nos pulsions avec un savant dosage d'appel à notre raison pour nous laisser croire que c'est notre volonté qui en dernier ressort décide. Mais c'est cette dernière qui est en fin de compte mise à mal et difficile à consolider. Une des conséquences est que le moment des choix et de l'engagement s'éloigne de plus en plus, comme en atteste le phénomène de "l'adulescence", qui commence à 15 ans pour finir (???) vers 35 ans.

Notre conférencier introduit alors une nouvelle béatitude;"heureux les étonnés!" car rien n'est pire que de ne pas se poser les bonnes questions et ceux qui ne s'en posent pas ont tranché une fois pour toutes et courent le risque de se retrouver avec des œillères. Il rapproche l'étonnement, source de la philosophie (Aristote, Platon) de la parole de l'Evangile, "Si ton œil est simple, tout ton corps sera simple". Le regard est ce qui traduit le mieux l'étonnement. Après sa conversion, les écailles tombent des yeux de celui qui sera désormais Paul. Les questions d'enfants expriment leur étonnement et suscitent le nôtre; apprenons à leur répondre.

Se pose ensuite la question de l'"être". Peut-on se contenter comme Heidegger du sens étymologique (être = être jeté à l'extérieur, être en instance de mourir) et se trouver renvoyé à l'absurde et au non-sens? À Sartre qui déclarait ""J'ai tué Dieu le Père"…et donc à moi d'inventer ma vie, à chacun sa morale..., ne peut-on rétorquer que voilà bien là une absurdité, la morale impliquant précisément le rapport entre les individus? La perte de sens entraîne dans notre société l'élimination du plus faible (avec l'émission emblématique "Le maillon faible"). Les cieux ont été vidés de leur sens. Comment va-t-on ensuite pouvoir dire "Notre Père qui es aux cieux"? Il faut reconsidérer le monde (du latin sidus, sideris = étoile). Réapprenons à parler aux étoiles, aux fleurs, aux êtres (tant qu'il y en a encore) car "rien n'est sans langage" (St Paul), à nous émerveiller, à nous étonner. Nul besoin d'être chrétien pour cela. Mais on peut ainsi se réouvrir à la transcendance divine et à notre Dieu incarné. Notre monde, notre corps sont théophores:il y a du divin en eux. Tout vient interpeller notre responsabilité (= réponse). Ce "je ne sais quoi"qui est aussi "un presque rien" de Jankélévitch, qui ouvre au mystère, au surnaturel, au spirituel, ne serait-il pas ces élans qui nous traversent parfois, c'est à dire l'Esprit Saint agissant en nous?

Nous n'allons pas de la naissance ni de la nescience ("Je sais que je ne sais rien" / Socrate) au non-sens; mais retrouver le goût du sens, c'est accepter de rejoindre le Christ dans sa kénose ( = dépouillement du Christ dans son humanité. ) À l'issue de cet exposé, une auditrice pose la question: "Alors pourquoi n'osons-nous pas nous émerveiller?" – "Précisément parce que nous sommes "en morceaux " comme il a été dit au début !" Invitation donc à entreprendre ce travail de reconstruction!

MJL

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